La dalle de Saint-Bellec

Vieille de près de 4000 ans et découverte par Paul du Chatellier il y a près d’un siècle, la dalle de Saint-Bélec SERAIT LA PLUS ANCIENNE REPRÉSENTATION D’UNE CARTE EN EUROPE, D’APRÈS LES CHERCHEURS YVAN PAILLER ET CLÉMENT NICOLAS.

Paul du Chatellier est le grand préhistorien de la seconde moitié du XIXe siècle en Bretagne, et plus particulièrement dans le Finistère. Il y faisait régulièrement des campagnes de fouilles de tumulus et a exploré plusieurs tertres dans le secteur des montagnes Noires, un secteur encore très peu étudié. On lui avait sans doute indiqué le tumulus de Saint-Bélec. Et il y a fait, comme à son habitude, un trou au centre pour aboutir sur la tombe principale.

La dalle est située dans le caveau d’un tumulus. Le défunt est inhumé dans un caveau en pierre, qui est construit pour l’occasion dans une fosse. La pierre gravée constituait l’un des petits côtés du coffre, surmontée de plusieurs niveaux de moellons, et un bloc mégalithique en quartz occupait l’autre petit côté. Une fois maçonné, l’ensemble a été recouvert d’une grosse dalle de couverture. Puis, toute la structure a été englobée dans un tumulus qui a été scellé.

Au milieu de la dalle, il y a un motif central, une sorte de trapèze aux bords convexes d’où partent plusieurs traits, plusieurs lignes droites qui, globalement, dessinent un axe horizontal et sans doute un axe vertical, mais difficilement appréciable dans la partie supérieure du fait des cassures. Les quatre quarts ainsi dessinés sont remplis de différents motifs de manière plus ou moins dense. Il y a des formes récurrentes comme des cercles ou des formes quadrangulaires avec une ou plusieurs cupules à l’intérieur. Il y a également deux grandes formes ovalaires, dans lesquelles on va retrouver un certain nombre de motifs, notamment les cercles ou carrés avec des cupules à l’intérieur, mais aussi des motifs cruciformes. Dans l’autre motif ovalaire, il y a une série de petites cupules.

Tous ces motifs sont, d’une manière ou d’une autre, reliés entre eux par des réseaux de lignes. Il y a un jeu, dans la réalisation de ces motifs, comme si on avait cherché à en faire ressortir certains plus que d’autres.

En allant sur place, on caonstate que la vallée de l’Odet fait un triangle qui est fermé d’un côté par les collines de Coadri, au sud. Au nord, il y a la barre des montagnes Noires, bien rectiligne, et la vallée de l’Odet qui coule au milieu. Tout cela commence déjà à faire sens. Puis le massif assez rectangulaire de Landudal, ce gros massif granitique semble tout à fait correspondre au petit rectangle dégagé en bas-relief que les graveurs ont creusé dans la partie la plus large du triangle volontairement ménagé.

On se rend compte que la grande majorité du réseau viaire antique remonte en fait à l’âge du Bronze. Il y a des tumulus tout le long de ces voies et, notamment, à des carrefours. Sur les principales voies, nous allons retrouver les tombes princières. Cela fait partie de cette structuration du paysage qui se met en place à l’âge du Bronze, notamment sous l’impulsion de ces élites. Il y a une voie qui est possiblement représentée sur la dalle. Ce serait la voie Tronoën-Trégueux, qui n’est d’ailleurs pas considérée comme une voie romaine, mais comme une voie gauloise, protohistorique. Tout autour, c’est un chapelet de tumulus qui la bordent, souvent en position dominante.

Une carte mentale ? Une carte politique ?

Les cartes mentales n’ont pas besoin d’être gravée dans la pierre. Généralement,elles se transmettent sous forme de récit : « Pour aller de tel à tel point, il faut passer par telle rivière et par tel relief ». On retrouve les cartes gravées plutôt sur des affleurements rocheux. Ici, c’est une dalle qui a été sélectionnée, et qui a été légèrement mise en forme et qui a été gravée sur toute la surface. Il y avait ici l’idée de figurer le relief et le réseau hydrographique environnant sur une portion bien définie de l’espace terrestre.

Il y a également une notion de finitude. Il y avait sans doute une justification pour graver cette œuvre dans la pierre. Et faire une cartographie comme cela d’un bout de l’espace terrestre est souvent lié à l’affirmation d’un pouvoir, d’une autorité sur un territoire. C’est le contexte général de réalisation qui intervient à l’âge du Bronze ancien, à un moment où l’on voit émerger des sociétés fortement hiérarchisées.

Inrap