Homo Sapiens : nouvelles avancées concernant son apparition

Une étude récente du génôme de deux fragments de crânes Homo Sapiens fournit de nouvelles indications sur leur provenance.

Comment notre espèce, Homo sapiens, est-elle arrivée jusqu’en Europe de l’Ouest ? Une nouvelle étude, basée sur l’analyse génétique de deux morceaux de crânes, datant de 37 000 et 36 000 ans, démontre que nos ancêtres sont issus d’Europe de l’Est et ont migré vers l’ouest. Ces deux individus sont issus d’un métissage avec les Néanderthaliens et avec les tous premiers Homo sapiens européens arrivés il y a environ 45 000 ans que l’on pensait éteints suite à une catastrophe climatique majeure.

L’analyse de ces génomes à partir de vestiges osseux trouvés en Crimée, a permis de générer un modèle large et actualisé des mouvements, interactions et remplacements de populations durant le peuplement de l’Europe pendant le Paléolithique supérieur (période entre environ -40 000 et -12 000 ans caractérisée par l’expansion des humains anatomiquement modernes à travers le monde). Les résultats publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution montrent que ces individus sont les plus anciens représentants des Européens de l’Ouest s’étant implantés durablement en Europe et ayant laissé des traces dans les génomes des Européens actuels.

carte de l'arrivée de hono sapiens à travers l'Europe
Localisation des sites Buran Kaya III (1), Zlatý Kůň (2), Fournol (3), Serinyà (4), Krems-Wachtberg (5) et Věstonice (6) dont les génomes ont été analysés dans l’étude. Sont montrés aussi un fragment de crâne analysé et une des perles percées découvertes avec les fragments d’os du site de Buran Kaya III ainsi que les statuettes des vénus de Věstonice, Willendorf et la Dame de Brassempouy (de droite à gauche).

De petits fragments de deux crânes provenant d’un site archéologique en Crimée, Buran Kaya III, et datés d’environ -37 000 et -36 000 ans, côtoyant des outils lithiques et des perles percées en ivoire de mammouth, témoignent de la présence d’humains anatomiquement modernes en Europe de l’Est.

Ces individus se sont installés à cet endroit après une période glaciaire entre -40 000 et -38 000 ans qui a été accompagnée par l’éruption d’un super-volcan dans la région des Champs Phlégréens près de Naples et qui a couvert de cendres l’Europe du sud-est et de l’est.

Ces événements ont déclenché une véritable crise écologique qui aurait fait disparaître aussi bien les dernières populations néanderthaliennes que les premières populations d’humains sapiens associés au Paléolithique supérieur initial. Ces dernières étaient les descendantes d’Homo sapiens venus d’Afrique il y a environ 60 000.

Les Européens actuels ne portent pas de traces des génomes de ces premiers Européens sapiens, contrairement aux populations humaines ayant vécu en Europe après la crise écologique de -40 000 ans dont quelques génomes ont été séquencés.

HOMO SAPIENS ISSUS DU MÉTISSAGE

L’analyse paléogénomique de ces deux fragments, séparés d’environ 700 ans, a mis en évidence que ces individus faisaient partie de la deuxième vague du peuplement d’Europe par Homo sapiens, et qu’ils sont parmi les plus anciens ancêtres des Européens. Tous les deux sont des descendants d’un métissage lointain avec les Néanderthaliens. L’étude montre également que l’individu plus récent porte des traces d’un métissage avec des individus de la première vague de peuplement qu’on croyait exterminés par la période glaciaire de -40 000 ans, représenté par l’individu de Zlatý Kůň (-45 000 ans). Ainsi , il a dû y avoir des survivants de la crise écologique.

Les génomes des individus de Buran Kaya III ont aussi révélé un lien génétique avec les populations du Caucase, contemporaines et beaucoup plus tardives, qui indique la directionnalité de la migration des ancêtres de Buran Kaya III en Europe : du Moyen-Orient via le Caucase vers le territoire de l’Ukraine actuelle.

DES LIENS GÉNETIQUES QUI IRADIENT TOUTE L’EUROPE

tête de femme sculpté au paléolitique
Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche. Jean-Gilles Berizzi/Wikipedia.

Le lien génétique le plus fort a été identifié entre les génomes des individus de Buran Kaya III et ceux de France du Sud-ouest (Fournol -29 000 ans) et d’Espagne du nord-est (Serinyà -27 000 ans) et, dans une moindre mesure, ceux d’Autriche (Krems-Wachtberg -30 500 ans) et de République tchèque (Věstonice -31 000 ans) ayant vécu 5 000 à 7 000 ans plus tard. Ces individus proches des individus de Buran Kaya III faisaient partie de la population associée au Gravettien classique qui a produit les statuettes féminines en ivoire connues sous le nom de « vénus gravettiennes » qu’on trouve aussi bien en France qu’en Allemagne, en Autriche et en République tchèque. La célèbre « Dame de Brassempouy » originaire du département français des Landes a été sculptée à cette époque.

Ce lien génétique suggère que les individus de Buran Kaya III étaient les ancêtres des Européens de l’Ouest, producteurs de la culture gravettienne et artistes des célèbres vénus gravettiennes.

The Conversation